¤ * - Carnet de route , ° ¤

Eternellement à toi Maman

Chaque fois que je me plonge dans le monde de Songe, je me retrouve, d’un saut d’ange, brusquement projetée dans l’univers de mon enfance. Sa sensibilité exacerbée me renvoie à la mienne d’antan.
Non, que je l’ai perdue en chemin mais je ne me l’autorise que rarement sachant dans quelles affres elles semblent m’emmener.
Je n’ai plus cette main chaleureuse qui m’aidait à en sortir. Aussi ai-je entamé avec une lutte sans merci avec elle.
La vie m’a peut-être extérieurement endurcie, je sais seulement qu’à chaque instant de faiblesse, elle revient inlassablement me hanter. Elle m’accompagne dans mes moindres gestes, dans mes moindres paroles…
Elle est comme cette entêtante tristesse que je porte au fond de moi et qui me retient d’être heureuse. Ai-je droit au bonheur ? Je n’ai encore trouvé de réponse à cette interrogation. Paroles sensées me diront que chacun à le droit à sa part de joie. Je n’en suis pas encore convaincue.

Quand ai-je donc cessé d’être heureuse. De me réjouir de ces petits rien qui égaient notre vie ?
J’ai perdu cette légèreté à un moment entre la petite enfance et l’enfance… Quand cette petite fille devait prendre cet air grave d’adulte pour s’occuper de son frère et de sa mère. Elle était si sérieuse dans tout ce qu’elle entreprenait. Elle cessa tôt les jeux d’enfant.
Elle tentait de répondre à la demande incessante de sa maman, une demande éternelle qui ne trouva de fin que le jour où son âme s’en alla vers d’autres cieux.
Elle était cette femme blessée par la vie, elle cherchait en vain une solution à sa douleur. Dans les vapeurs de l’alcool, elle délirait. Elle échappait pour quelques heures à ce fardeau qu’elle tentait de partager. Mais la fillette ne comprenait pas. Elle contemplait seulement de ses grands yeux verts la déchéance de sa maman.
Parfois, en bordant sa maman, elle glissait sa main dans la sienne tentant de lui donner sa chaleur. Elle s’allongeait à côté d’elle et lui donnait l’impression de la présence d’un ange gardien.
« Dors, Maman, dors, tout va s’arranger. Je suis là… » « Il n’y a plus de cris, maman, papa est parti, il ne sera plus méchant ». Ce qu’elle n’avait pas compris et qu’aujourd’hui elle sait, c’est justement l’absence de combat qui eut le dernier mot.
Il est plus facile de combattre une chose réelle que de lutter contre ses fantômes…
La fillette veillait sur sa maman, si fragile, si méchante, si changeante… Elle seule savait l’écouter, elle seule, de part sa sensibilité à fleur de peau, pouvait ressentir cet appel.
Elle évoluait ainsi à côté d’un être condamné d’avance à une fin certaine, une fin que sa maman désirait avidement. Naïvement, elle s’imaginait qu’un délicat baiser sur la joue mouillée de sa maman suffirait à alléger son chagrin. Il est des chagrins qui ne prendront jamais fin.
Sa maman ne désirait pas vivre. La fillette ne le savait pas encore.
Elle et sa maman avaient créé de ces liens si intenses, si forts qu’ils en deviennent tyranniques. Elle n’avait pas le droit à l’erreur. Elle devait assumer son rôle à la perfection.
Mais elle a failli la fillette.
La fillette était alors une très très jeune fille quand elle découvrit son échec un matin de novembre.
Le souffle divin avait quitté le corps de sa maman. Son âme tourmentée avait trouvé une sortie.
La jeune fille n’avait plus qu’à contempler le visage froid de sa maman. Une dernière larme sur son innocence et elle plongeait dans le tourbillon ingrat de la vie adulte. C’était une femme maintenant.
Elle avait son frère à protéger, elle n’en avait pas fini avec les responsabilités… Elle aussi n’en terminera qu’avec la fin de vie.
Eternellement à toi Maman

Ecrit par pherine1, le Dimanche 12 Octobre 2003, 23:37 dans la rubrique "Réflexions discontinues".

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